Trek – Circuit de la Serria Valdivieso via le lac Esmeralda (5 jours)
Avant propos
Après ces 4 jours d’échauffement dans la boue Ushuaïenne, nous sommes prêts à affronter la randonnée méconnue et sauvage de la Serria Valdivieso. Il s’agit d’un trek pouvant être réalisé entre 3 à 6 jours en fonction des variantes choisies, de sa condition physique et de sa capacité d’orientation. En effet, la difficulté du trek réside dans la mauvaise qualité du balisage ainsi que l’inexistence du sentier sur certaines parties (du moins, on ne l’a pas trouvé 😕). Il est donc très important d’être muni d’un GPS ainsi que la trace GPS de l’itinéraire. Nous recommandons également aux randonneurs :
- De se munir d’une radio en cas d’urgence (il n’y a pas de réseau sur 95℅ du sentier) et/ou d’être accompagné ;
- De prendre un forfait avec le télécom « Movistar » ;
- De réaliser cette randonnée pendant la période estivale, soit à partir de début décembre jusqu’à avril ;
- De télécharger la carte de la zone sur l’application mobile OmsAnd (ou équivalent) avec le relief. En effet, il n’existe pas de carte locale suffisamment détaillée ;
- D’effectuer le trek dans le sens anti-horaire pour suivre plus facilement le balisage et faciliter l’ascension du col Deban (Est).
On trouve relativement peu d’informations sur cette randonnée (Cf. récits d’autres randonneurs en bas de page). Outre vous faire partager notre trek, cet article a pour objectif d’actualiser les données existantes pour de futurs randonneurs en quête d’aventures.
Itinéraire de la randonnée
38h – 2700 mètres de dénivelé – 5 jours – Du 7 au 11/12/2019
Journée n°1: Hostel Mirador Beagle → Vallée Deban via Lac Esmeralda
7h – 312m de dénivelé – 12 km
Pour débuter notre journée, nous prenons un taxis. Il nous emmène au début du sentier du Lac Esmeralda pour 1000 pesos, soit 15 € (taux de change fin 2019).
Il y a beaucoup de monde. Il s’agit d’une balade très touristique d’environ 3-4h (aller-retour) où l’on peut être accompagné d’un guide. Des navettes relient également Ushuaïa au point de départ pour 600 pesos/personne (A+R).
Nous commençons par avancer dans les sous-bois. Le sentier est très bien aménagé avec quelques rares passages de boue. Nous traversons également des espaces ravagées par les castors avant d’atteindre l’orée du bois.
Le sentier monte ensuite en douceur jusqu’au lac Esmeralda. Arrivés au Lac, nous sommes un peu déçus du paysage. Le lac est terne et n’a pas beaucoup de charme comparativement au Lac Témpanos.
Nous nous enfuyons alors rapidement de la foule pour commencer notre aventure. Après 300 m, le sentier disparaît déjà… Nous essayons de suivre les traces sur notre carte (OmsAnd+) mais elles ne sont pas viables. Nous tentons tant bien que mal de créer notre sentier entre la forêt, les buissons et le marécage. Un peu fatigués, nous nous arrêtons prendre notre déjeuner sur les hauteurs.
Nous reprenons notre sentier invisible jusqu’à finir par retrouver des marquages, enfin… des bouts de plastiques tantôt rouges tantôt bleus accrochés sur des arbres.
Nous finissons par atteindre l’abri non gardé Bonete. Nous sommes d’ailleurs surpris que ce dernier soit fermé tout comme des argentins venus en quads (peut-être qu’il n’est plus accessible aux randonneurs ?). Ce sera notre dernier contact humain avant 5 jours.
Depuis le refuge Bonete, il y a maintenant un magnifique sentier qui mène jusqu’à la Cascade Beban. La cascade est jolie mais notre regard est davantage attiré par le panorama offert par la montagne, le glacier Beban et la rivière qui serpente en premier plan.
Depuis la cascade, les manières de traverser la zone humide divergent sur les traces GPS, tantôt il faut prendre à gauche, tantôt au milieu. Ne voyant pas comment suivre l’une de ces traces, nous passons à droite. Hé Bingo, nous trouvons un sentier longeant l’orée du bois marqué par des bouts de plastiques blancs.
Après avoir contourné la zone humide, nous traversons la rivière. Moi en premier, Charlotte met un peu plus de temps à trouver un passage pour ne pas mouiller ses chaussures… Passage qu’elle ne trouvera pas.
Nous continuons alors de suivre le sentier (non balisé). D’abord une petite portion dans la forêt puis de nouveau dans cette ambiance marécageuse. La météo se dégrade : les nuages voilent les montagnes et la pluie commence à tomber.
Nous entamons notre première vraie montée. Il n’y a pas de chemin distinct mais notre progression est plutôt rapide. Nous voguons entre la boue et les broussailles. La pluie se faisant de plus en plus présente, nous décidons de planter notre tente sur une aire de bivouac « aménagée ».
Journée n°2: Vallée Deban → Bivouac n°2
5h30 – 551m de dénivelé – 9 km
La pluie finit par se calmer au moment de notre réveil. Nous plions rapidement la tente sous les nuages. Le sentier ténu mais existant monte tranquillement jusqu’à atteindre un replat menant au pied du col Deban (Est). Le paysage se fait de plus en plus alpin.
Marqué par une zone de bivouac, c’est ici que commence réellement l’ascension jusqu’au col. D’ailleurs, nous nous interrogeons sur la manière d’atteindre le col Deban (Est). La monté est extrêmement pentue avec des éboulis et de la neige. Nous finissons par repérer quelques cairns guidant notre chemin. L’ascension est rude et périlleuse. Malgré nos bonnes chaussures de marche, nous avons des difficultés à trouver des points d’appuis stables. Après 45 min, nous finissons par atteindre le col. La vue est magnifique malgré les nuages.
Entre les deux cols Deban (Est et Ouest), nous apercevons également le fameux lac caché.
La descente depuis le col Deban (ouest) est beaucoup simple. Nous longeons la rivière en suivant les cairns jusqu’à atteindre un premier lac artificiel bâti par les castors. Nous continuons ensuite sur le sentier (non balisé) relativement facile à suivre. La descente se fait en douceur jusqu’à la cascade « del Azul ». L’ambiance est particulière en raison d’un feu ayant ravagé une partie de la vallée en 2013.
Nous hésitons à bivouaquer à la cascade mais nous décidons de continuer jusqu’au prochain spot de bivouac indiqué sur notre application. Mauvais choix… Nous finissons dans une forêt dans laquelle se trouve beaucoup, beaucoup mais…beaucoup de Calafates (ou Berbéris à feuilles de buis). Il s’agit d’un arbuste présent notamment en Patagonie produisant des baies comestibles. Cette plante est considérée comme le symbole de la région mais également notre pire ennemi 🙂. En effet, elle est dotée de bout épineux sur l’ensemble de ses branches pouvant percer nos matelas, la tente et déchirer nos t-shirts.
En bref, le terrain n’est pas adapté au bivouac. Nous passons une quinzaine de minutes à déblayer et à déraciner les Calafates pour installer la tente en sécurité.
Nous nous emmitouflons chaudement dans nos duvets car la nuit s’annonce fraîche. Nous nous interrogeons également sur quelle variante choisir pour le lendemain. Initialement, nous avions prévu l’ascension du Col Mariposa mais celle du Col Deban nous ayant refroidi, nous décidons de faire la grande boucle.
Journée n°3 : Bivouac n°2 → 1er lac Mariposa
6h30 – 300m de dénivelé – 11 km
Nous repartons en forme pour cette troisième journée. Nous voyons pour la première fois un bout de ciel bleu ! Nous essayons de trouver le sentier (perdu la veille)… mais impossible. En suivant les traces GPS, nous nous retrouvons à traverser une zone marécageuse. Notre progression est lente et compliquée. Pour sortir de cette impasse, nous faisons alors les funambules sur des troncs jonchant le sol pour rejoindre la rive.
Sur la rive gauche de la rivière, notre avancée est plus facile. Nous suivons des traces d’homme ou de castors 🙂 nous menant à une nouvelle cascade. La descente est acrobatique.
Nous continuons de marcher jusqu’à atteindre un magnifique point de vue nous dévoilant le lac Fagano.
Par ailleurs, nous pensons apercevoir de l’autre côté de la vallée un sentier. Mais dans le doute, nous décidons de continuer de suivre les traces GPS.
Réflexion après la randonnée
Ce fut l’erreur de la randonnée. Il fallait bien traverser la rivière au niveau de la cascade. Un sentier nous aurait ensuite emmené bien plus facilement jusqu’au lac Mariposa.
Nous commençons à nous enfoncer dans la forêt mais nous sommes encore ralentis par les arbres et les marécages. Il n’y a pas de véritable chemin. Nous marchons lentement jusqu’à atteindre un nouveau point du vue.
De là commence un véritable parcours du combattant qui va durer deux heures. La trace GPS est totalement erronée. Nous essayons de nous frayer un chemin entre un nombre impressionnant d’arbres couchés sur le sol. J’improvise sans cesse le meilleur passage pour que nous ne soyons pas bloqués.
Après ce rude combat, nous finissons enfin par rejoindre un vrai sentier balisé. Victoire !!! Nous marchons d’un bon pas jusqu’à rejoindre le premier lac « Mariposa » de la vallée des cinq Lacs.
Nous nous trouvons un petit coin sympathique pour bivouaquer. Le temps de monter la tente qu’il commence déjà à pleuvoir.
Épuisés par cette journée, nous espérons fortement que le sentier du lendemain reste balisé. Mais cela, nous le saurons demain…
Journée n°4: Lac Mariposa (1er) → Lac du col de Valdivieso
8h – 1125m de dénivelé – 15 km
Encore fatigués de la veille, nous plions la tente sous une pluie fine.
Le sentier rejoint la plage du premier lac Mariposa. Pendant que nous longeons ce dernier, les nuages disparaissent pour laisser place à un merveilleux soleil.
L’eau du lac est magnifique. Nous avons l’impression d’être seuls au monde dans ce cadre si paisible. Seuls les oiseaux sont là pour chanter et nous écouter.
L’ambiance est magique Une belle journée nous attend
Nous continuons jusqu’à atteindre une petite rivière. Nous la traversons à deux reprises. Malgré nos efforts pour trouver la zone idéale de traversée, nos chaussures prennent l’eau. Nos pieds sont trempés pour la journée.
Nous évoluons maintenant dans la forêt. Le sentier est balisé même si nous ressentons qu’il est rarement fréquenté. En effet, la végétation est dense mais magnifique et verdoyante.
Avec le soleil, nous avons vraiment l’impression d’être sur une île tropicale et paradisiaque. Au cours de notre avancée, des cascades plus impressionnantes les unes que les autres se dévoilent à nous.
De temps en temps, la forêt s’ouvre pour nous offrir un panorama grandiose sur toute la vallée.
Même si le chemin est balisé, nous le perdons régulièrement dans les zones de clairières. De ce fait avec Charlotte, nous nous séparons pour jouer à cache-cache avec les petites balises jaunes.
Après 3 heures de montée et de cache-cache…, nous atteignons le deuxième lac Mariposa. Il est déjà 14 heures, il est donc temps de prendre notre pause déjeuner. Le vent souffle fort. Nous faisons une barrière avec nos sacs pour allumer le réchaud.
Le ventre plein, nous repartons pour le troisième lac Mariposa. Nous avançons à l’aveugle jusqu’à retrouver une nouvelle fois le balisage. Il faut maintenant se frayer un chemin en cassant les arbustes et en coupant des branches. Dans cette broussaille, nous nous faisons alors piquer sur tout le corps par ces fameuses Calafates. Le sentier n’est quasiment plus fréquenté sur cette portion.
Nous suivons le balisage jusqu’à atteindre une nouvelle zone dense en végétation. Je commence à débroussailler mais je finis par abandonner. Nous décidons alors de contourner cette partie. Par chance nous finissons par retrouver le balisage menant au troisième lac.
Le spectacle est magique, l’eau est scintillante au soleil. Nous admirons bouche-bées ce paysage…
Après en avoir pris plein la vue, nous continuons et tentons au mieux de suivre les marques jaunes sur les arbres mais nous finissons par les perdre. Il n’y a plus aucune trace. Je décide de créer mon chemin pour rejoindre le lac Capullo.
Après 1 heure de marche, nous rejoignons un énorme lac formé par un barrage de castors. D’ailleurs, nous croisons notre premier castor, lequel s’enfuit rapidement sous l’eau ! Même pas le temps de prendre une photo (ça sera le seul castor de nos deux semaines à Ushuaïa).
Charlotte fatigue mais il faut continuer pour éviter une trop longue étape demain. Nous suivons alors les traces GPS. Le paysage est alpin. Alors qu’à cette altitude nous ne sommes plus protégés par les arbres, le vent nous chahute violemment.
Nous finissons par retrouver des cairns menant au col de Valdivieso. La montée est douce et longe quelques petits lacs.
Au col, nous apercevons notre destination, encore une trentaine de minutes de marche.
Arrivés au lac, la soleil disparaît derrière la montagne. Le froid fait rapidement son intrusion. Après 20 minutes de recherche d’un spot de bivouac, nous plantons la tente sur une zone plutôt plate. Nous prenons également quelques pierres pour faire un petit mur pouvant nous protéger du vent.
Journée n°5 : Lac du Col de Valdivieso → Ushuaïa
11h – 412m de dénivelé – 29 km
Nous nous levons à 6 heures. Le réveil est difficile et nous n’avons pas très bien dormi. Nous partons vers 7h30. Avant de quitter notre zone de bivouac, le lac nous offre un magnifique moment qui ne dura que quelques minutes :
Nous commençons par longer le lac afin d’entamer la descente. De nombreux cairns indiquent la piste à suivre.
Après une heure de marche, nous traversons la rivière et retrouvons le fameux balisage jaune. Nous le perdons au bout d’une quinzaine de minutes et suivons ensuite des bouts de plastiques blancs ainsi que des traces plus ou moins ténues du sentier.
Nous arrivons à un intersection où se trouvent des plastiques à notre gauche et à notre droite. Nous décidons de prendre à gauche. Ces derniers nous mènent à un énorme rocher batisé « Roca 25 » proche duquel il est envisageable de bivouaquer. Après quelques minutes de marche, nous finissons par perdre (encore une fois) toute trace de balisage. Nous hésitons à faire demi-tour mais nous faisons le choix de continuer. Nous arrivons non sans difficulté à atteindre la zone de bivouac noté sur notre carte.
Réflexion sur la décisions à l’intersection
En prenant à droite, c’est à dire en suivant la trace GPS, cela nous exposait à traverser plusieurs fois la rivière. Nous pouvions alors nous retrouver bloqués à cause du débit/profondeur de l’eau.
Depuis la zone de bivouac, nous retrouvons les plastiques blancs ainsi qu’un sentier. Nous déchantons rapidement car celui-ci disparaît de nouveau. Nous tentons de suivre des pistes d’homme ou d’animaux sur le sol. Celles-ci nous mène à des marécages habités par les castors. Nous faisons les funambules d’arbre en arbre pour essayer de s’extraire de cette zone et rejoindre l’orée du bois.
Après 30 minutes d’une lente et éprouvante avancée et une jambe enfoncée jusqu’au genoux dans la boue (#Charlotte), nous atteignons l’orée du bois et nous apercevons le balisage.
Note : Depuis ce point, nous ne perdrons plus le balisage et le chemin sera « clair ».
Nous rentrons alors dans la vallée de Carbajal. Une atmosphère particulière s’y dégage. C’est en effet une zone qui a été fortement modifiée par les castors (petit lac artificiel, bois dévasté). Dans son fond, elle est parcourue par le fleuve nommé « Rio Olivia » qui débouche dans les canaux d’Ushuaïa. Il y a également énormément de tourbières marquées par une mousse rougeâtre.
Sur une dizaine de kilomètres, c’est sur cette mousse rougeâtre que nous marchons. La sensation de marche ressemble à celle de la neige. Tous nos muscles sont sollicités et la fatigue se fait de plus en plus présente. Heureusement, nous apercevons de magnifiques oiseaux qui voltigent autours de nous.
Comme sur les récits des autres randonneurs, nous quittons le sentier et bifurquons vers le lac Arco Iris pour atteindre le fleuve Olivia. Après une trentaine de minutes à longer le lac puis à se frayer un passage dans la broussaille, nous atteignons enfin la rive du fleuve.
Mais le désespoir nous gagne, impossible de le traverser. La profondeur et le débit sont trop importants. J’essaye de remonter la rive mais des énormes Calafates nous barrent le chemin. Dépités nous rebroussons chemin en direction du sentier balisé, soit 4 km supplémentaires pour rejoindre la route.
S’en suit une longue marche alternant tourbières et sous-bois. Après 2 heures de marche épuisante, nous rejoignons enfin une route forestière menant à la ruta n°3.
Sur le bas côté de la route, nous nous croyons sauvés mais nous n’avons pas de réseau pour appeler un taxi. Nous prenons alors la direction d’Ushuaïa tout en faisant du stop. Personne ne s’arrête, le vent nous glace, nous sommes à bout.
Nous marchons environ 4 kilomètres de plus pour enfin avoir nos premières barres de réseau. Mais mon téléphone s’éteint: plus de batterie. Nous échangeons de carte SIM avec Charlotte. Nos mains gelées à cause du froid peinent à récupérer les cartes.
Charlotte allume son portable mais le réseau n’est pas suffisant pour envoyer quoi que ce soit. La désespoir nous gagne… Sans une once d’énergie, nous continuons à marcher quand tout à coup, un taxi commence à ralentir. Il nous dépasse, je lui fais signe avec la main. Il continue à avancer, nous pensons qu’il ne va pas s’arrêter quand finalement il s’arrête sur le bas côté. Hourra, nous sommes sauvés après 29 km de marche dans cette tourbière sans fin…
Autres références sur la randonnée
- Par Wax, 2014, [Récit + liste] Patagonie: Sierra Valdivieso ;
- Par JulienV, 2016 [Récit] Sierra Valdivieso ;
- Par Memotrips, 2019 [Récit] Sierra Valdivieso – L’ Aventure en terre de feu.
Un commentaire
SYLVIE FOURMY-QUINTON
j’ai mal aux muscles pour vous, mais quelle aventure. Merci à vous pour ce beau récit et ces photos !!!